jeudi 24 mars 2016

Chaque jour.




Bonne journée bonhomme. Bonne journée. La porte se referme. Il va marcher jusqu'à l'arrêt du tram, monter dans le tram, descendre du tram dans une station située à deux pas de celle désormais célèbre dans le monde informé. Il va marcher à nouveau jusqu'à l'école. Et tout va bien, tout ira bien, pas de raison que ça n'aille pas. Tout a eu lieu, c'est du passé, on regarde hébété soit, mais on regarde vers l'avenir, on ne se laisse pas dominer par ses peurs, bien au contraire on va y puiser une énergie renouvelée, une soif de vie puissante et colorée, on va conforter son amour des autres et on va...
ON. Qui ON? Lui et moi? Lui et son frère et moi? ON c'est eux et vous? ON c'est nous? UniON.
On est un pronom indéfini.
Indéfinissable est la sensation en le voyant partir à 7h30, comme chaque jour. Chaque jour n'est plus chaque. Chaque jour est autre jour dorénavant. Chaque jour est à partir de maintenant travail intérieur de maîtrise de la peur. Chaque jour est nouveau défi de solidité et d'assurance. Chaque jour est attente de l'heure du retour en milieu d'après-midi. Ou chaque jour est inconnue de le savoir rentré car rentré ailleurs une semaine sur deux, après avoir pris rame de métro, arpenté hall de gare et embarqué dans le train. Chaque jour lui confronté à visages masqués sous écharpes noires, armes lourdes pointées vers le sol. Chaque jour dans un coin indéfinissable de la tête.
Hier soir, c'est sorti. Voyant à nouveaux reportages et témoignages, il parle. Il dit c'est bizarre de savoir que je passe dans cette station tous les jours, que cette rame qui est déchiquetée je l'ai peut-être déjà prise, que je sais comment est décorée la station, que si j'avais été licencié en première et deuxième heure, j'aurais pu être dans cette rame. Je demande tu es inquiet? Non, non... Enfin, ça fait bizarre quand même. Un silence. Un peu inquiet oui. Le bruit de cet hélicoptère hier pendant des heures au-dessus du quartier. Ils ont préparé les bombes là alors? Oui apparemment. Mais c'est tout près de chez nous! Oui. Et la rue où il s'était caché c'est aussi près d'ici? Oui, près de la place P. là où on prend parfois le 92. Et mon frère, il va atterrir où vendredi soir? Je ne sais pas. Papa, je vais me coucher.
Pas moi.




jeudi 3 mars 2016

Deux minutes dans le hall d'un hôpital: une histoire de pas perdus.






Deux minutes. Déjà trop.
Déjà insupportable ceux en chaise roulante, ceux tirant perfusion sur roulettes, ceux fumant hagards cigarette dehors, ceux souriant en dynamique blouse blanche, ceux surveillant allées et venues, ceux fixant les chiffres rouge des étages.
Ceux inquiets, défaits, perdus, isolés, mutiques, figés, absents, paniqués, lassés.

Entendez-vous le bruit des valises?
Quel étage avez-vous dit? Merci.

Rythmes valides. Rythmes surveillés.
Une ville dans la ville.

Empressements.

Quel étage avez-vous dit?
Errements.

Quel étage?
Egarements.

Entendez-vous le bruit des chambres?
Services à prendre et service d'entretien.
Fleurs odorantes et cadeaux maladroits.

Entendez-vous le bruit des repas?
Visites et heures de visite et heures de parking.

Soins et examens. Aux petits soins, petits examens.
Papa, Tatie, mon coeur, tu crois, écoute, maman, numéro 59, c'est indiqué au tableau, le formulaire, dans 3 mois pas avant, mon ange, le prêtre, couloir j, bâtiment 4, cafétaria, voyez avec votre mutuelle.

Voyez.

Entendez-vous le bruit du froid?

https://youtu.be/IRdlw5nhDAI